lundi 6 juin 2011

Sodome et Gomorrhe

Sodome et Gomorrhe n'est pas totalement un film perdu à proprement parler. Mais la force divine qui s'est acharnée sur les deux citées semble s'opposer à une sortie officielle du métrage sur un support décent.
Et d'autres détails comme des coupes de censures et les aléas de la bande originale m'invitent à en parler.
Ceci dit, je l'avoue: j'ai une tendresse particulière pour ce film et c'est là ma motivation première.

Je me souviens l'avoir vu, étant enfant, chez ma grand-mère et le spectacle m'avait fasciné. Oui car malgré le titre, le film reste relativement prude. Dedans, les sodomites ne sont que les habitants de Sodome, le saphisme se résume à quelques regards insistants et tout cela peut très bien passer inaperçu pour un spectateur innocent (que j'étais à l'époque). Pas un bout de sein, pas un mot de travers, rien.

Cette coproduction italo-franco-américaine n'a pas rencontré un succès foudroyant malgré sa diffusion assez large. Elle souffrait de ses origines (les productions italiennes ont toujours eu un vieil air de "cheap" à mes yeux) à une époque où le genre du péplum commençait déjà à s'essouffler. Vous avez remarqué comme les figurants italiens, contrairement aux enthousiastes américains, ont toujours l'air d'attendre la fin de la scène pour aller toucher leur cachet ?

Alors me direz-vous : "Qu'est ce qu'il a de spécial ce film?"

En dehors de certains détails comme la participation de deux collaborateurs des futurs James Bond : Ken Adam pour les décors et Maurice Binder pour les génériques de début très stylisés, la présence à l'écran de Stewart Granger (Les contrebandiers de Moonfleet, Le prisonnier de Zenda,...), de la jolie Pier Angeli, ce film a 2 attraits principaux : Anouk Aimée et la musique de Miklós Rózsa.

Commençons par Anouk Aimée.
J'ai toujours aimé les rôles de belles femmes de pouvoir cruelles et impassibles. Elles me fascinent. La Reine de Blanche Neige, Ayesha dans "La source de feu", et la Reine de Sodome.
Celle-ci n'est à ma connaissance, jamais nommée dans le film mais est listé sur IMDB et d'autres sources comme la Reine "Bera".
Anouk Aimée, jamais aussi belle que dans ce film, parade d'un air détaché mais qui s'y frotte s'y pique. Elle détient le droit de vie ou de mort sur ceux qui l'entourent et utilisera les rivalités et intrigues de cour pour se débarrasser du seul qui peut légitimement lui résister : son frère, avec qui elle entretient un rapport très ambiguë. Mais son emprise sur lui et sa mise à mort finale ressemblent au jeu qu'un chat jouerait avec une souris: assez lent et pervers pour voir la victime souffrir et s'en délecter.

En bonne souveraine de Sodome et Gomorrhe, la Reine désigne par critère de beauté une esclave favorite dont elle exige de toute évidence une dévotion que le film ne peut expliciter plus avant. Mais les sous entendus abondent.

Elle ne pourra être vaincue à la fin que par la seule entité capable de rivaliser avec sa puissance : Dieu. Son destin tragique fait l'objet d'une scène qui m'avait beaucoup marqué étant petit : restée seule, abandonnée, sans un cri (sa favorite crie à sa place), elle affronte la mort face à face et avec elle s'écroule le symbole de son royaume.




Le personnage est fascinant, mais le talent de l'actrice (sans parler de sa beauté) sont vraiment ce qui m'ont fait adhérer au film. J'ai pu voir Anouk Aimée sur scène dans Love Letters, et dans un autre rôle anglophone que "Sodome" (où elle se double elle-même dans la version française) dans un téléfilm méconnu, "Des voix dans le jardin" où elle joue un rôle tragique d'une femme condamnée qui retrouve la joie de vivre ses derniers jours grâce à un couple d'adolescents.

A chaque fois, sa voix m'a envouté.

J'ai été très surpris de lire dans une interview par Boze Hadleigh du réalisateur George Cukor, d'ordinaire si consensuel, une déclaration selon laquelle travailler avec elle (dans Justine) aurait été une des plus mauvaises expériences de sa carrière. Selon lui, son attitude "insurmontable" était comparable à celle de Marilyn mais "sans les résultats". Je ne sais pas quels étaient leurs différends sur ce tournage, mais je dois bien dire que je ne suis pas d'accord avec cette dernière affirmation. Quelque soit l'attitude de l'actrice, les résultats sont là. Mais il faut avouer qu'Anouk Aimée n'a jamais eu la carrière américaine qu'elle était en droit d'attendre. Néanmoins, peut être est-ce par choix.
Revenons au film. En ce qui concerne la bande originale, il s'agit de la dernière composition de Rózsa (Quo Vadis, Jules César, Diane de Poitiers, Le Roi des Rois, Ben Hur,... ) pour ce type de films. Et quelle composition! Le thème des deux cités exprime toute leur décadence et leur puissance mêlées. Le collectionneur aura dû attendre longtemps avant de se procurer un enregistrement relativement satisfaisant.

Un double 33 tours offrait une large sélection de musique (sans offrir la totalité), mais à l'âge du numérique, on était en droit de s'attendre à mieux. Une sélection de 64 minutes était sorti en CD en 1990 mais avec un son mono et des coupes étranges en plein milieu des morceaux. En 2001, un autre CD, en stéréo cette fois ci, ne regroupait plus que 43 minutes de musique et n'offrait même pas le générique de début.


Il a fallu attendre 2007 pour que Digitmovies sorte un double CD qui reprend le contenu des 33 tours en ajoutant 6 morceaux non utilisés dans le montage final (5 prières hébreux et 1 danse). En 2015, un nouveau CD d'une nouvelle interprétation de la partition par le Philharmonique de Prague est sorti. Mais si ces disques offrent la sélection la plus complète à ce jour (et probablement représentent tout ce qui reste des bandes originales), il manque encore plusieurs morceaux et certains sont incomplets (le générique lui même est coupé au bout de 2 minutes 20 sur tous ces disques à un moment totalement inopportun).

Mais la bande son a eu un traitement royal comparé à celui du film lui même. Cherchez une sortie DVD (je ne parle même pas du Blu-Ray) en France, ce sera en vain. J'ai acheté il y a plus de 10 ans l'unique VHS américaine disponible (il en existe une française également). Bien évidemment, le film n'y était pas restauré, était présenté en 4:3, mais à l'exception des musiques d'Ouverture, de l'entracte et de la musique d'épilogue (toutes présentes sur le CD), le film était complet. Depuis, un DVD américain est sorti qui recycle malheureusement le même master, de fort mauvaise qualité, sans piste étrangère.


Car, dans sa version française (le film a été tourné en anglais), la scène de la torture initiale a été censurée et l'on a coupé les plans qui montrent les pointes sur le torse du bourreau, ce qui fait qu'on a l'impression que l'esclave meurt d'avoir eu un gros câlin.

Un DVD officiel est sorti en Allemagne avec une piste anglaise. Si le format de l'image a été adapté aux écran 16:9, il semble que plusieurs copies de qualité très variable ont été utilisées et la différence d'un plan à l'autre est parfois franchement dérangeante. Et cette fois les coupes se situent au niveau du générique de début : tout simplement charcuté maladroitement en plusieurs endroits (dont les premières secondes) avec les conséquences qu'on imagine sur l'écoute du morceau.

Des sorties plus ou moins légales mais invariablement décevantes sortent ailleurs dans le monde: en Asie, sur deux disques avec une coupure choisie de façon aléatoire (alors que le film a un entracte), et au brésil où le film est présenté en "letterbox" (bande noires en haut et en bas de l'image).

Si Dieu le veut (et surtout 20th Century Fox), un jour viendra peut être, Sodome Et Gomorrhe renaîtra de ses cendres dans une belle restauration ! Entendez la Reine vous appeler : "Restez! Je vous ordonne de rester !"


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C'est tout pour aujourd'hui les amis! A bientôt!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je viens de le trouver en vente en FR mais à 50euros !! Gasp... Sinon impossible à trouver