samedi 3 septembre 2011

Le Rideau Déchiré



Le Rideau Déchiré était la tentative d'Alfred Hitchcock de faire un film "James Bond sérieux": c'est à dire Bond, mais sans la parodie. Une dominante de couleur grise, on se débarrasse de l'humour, des filles, et surtout on montre à quel point il est difficile de tuer quelqu'un en réalité.
Vous l'aurez deviné, le film est aussi noir et peu attrayant que vous l'imaginez. A l'époque, pourtant, cela semblait une bonne stratégie car la série des Bond avait en fait copié beaucoup d'éléments qu'Hitchcock lui même avait utilisé dans des films précédents, l'exemple le plus flagrant étant La mort aux trousses. Le maître du suspense, après la relative déception de Pas de printemps pour Marnie au box office, et avec la pression supplémentaire d'arriver à son 50ème film, voulait désespérément montrer qu'il pouvait faire les modes, changer de style et rester moderne, un désir qui l'a amené à plusieurs décision malheureuses.


En plus de cela, plusieurs problèmes se sont ajoutés: Universal voulait des vedettes afin de retrouver le glamour des films d'Hitchcock des années 50. Ce dernier n'était pas nécessairement contre cette idée mais les deux acteurs ont été mal choisis. Julie Andrews n'a pas inspiré Hitchcock et il lui manquait le glamour sus-mentionné. Malgré un respect mutuel, il la considérait peu attirante. Un mémo à ses scénaristes à propos d'une réplique révèle poliment ses sentiments sur la plastique de l'actrice: "Non pas que je souhaite dénigrer la physionomie de Mlle Andrews mais ne pensez vous pas que 'belle' soit exagéré, et ne pourrions nous dire 'jolie' à la place?"

Paul Newman était parfaitement satisfaisant à ce niveau, mais c'était un membre de l'actor's studio, et M. Hitchcock n'était pas le genre de réalisateur qui allait s’embarrasser de la motivation de ses personnages pour un plan de 5 secondes où l'un doit tendre un papier à un autre. Ils ne s'entendirent donc pas.
Comme si ça ne suffisait pas, le salaire des acteurs atteint des sommets, ce qu'Hitchcock regretta toujours, annihilant ainsi les chances de tourner les extérieurs en Europe.

Certains seconds rôles sont remarquables, tels que Lila Kedrova, Tamara Toumanova, et bien sûr Wolfgang Kieling dans le rôle de Gromek, mais aucun d'entre eux ne put sauver le film, qui fut un désastre commercial.

Que reste-t-il? L'idée du meurtre qui s'est développée en une scène mémorable. Et un film-qui-aurait-pu-être. Comment ça? Hé bien d'abord, grâce à une idée intéressante qui fut tournée, montée et mise en musique mais abandonnée parce qu'elle rendait les personnages principaux encore plus antipathiques qu'ils ne le sont.

Les scènes 123 à 135 devaient suivre la scène de meurtre: Newman et Andrews étaient invités à visiter une usine où ils rencontrent le frère ainé de Gromek(joué par le même acteur). On poursuivait ainsi l'approche réaliste de l'horreur de l'homicide: dans cette scène, on apprend ici que Gromek était le bon père de trois jeunes enfants. L'ouvrier coupe ensuite un bout de saucisse à l'aide d'un couteau similaire à celui utilisé pour tuer son frère et il demande au personnage de Newman de le donner à Gromek. Finalement la scène fut coupée. On peut trouver le script de cette séquence sur le site de Steven DeRosa. Pour ceux que ça intéresse, je peux le traduire. Postez un commentaire.

L'élément le plus célèbre qui n'apparait pas dans le montage final est bien sûr la partition de Bernard Herrmann.
Hitchcock avait l'habitude de travailler avec une équipe qui revenait film après film. L'envie de changement, son déménagement relativement récent de Paramount à Universal, et le décès de plusieurs de ses collègues mirent fin à cette règle.


Bernard Herrmann avait composé la musique de ses films les plus célèbres et il était tacite qu'il travaillerait sur la nouvelle production. Alfred Hitchcock lui envoya un télégramme pour réclamer une musique "pop". En soit, cette demande elle-même trahissait son désir de changer de compositeur: aucune personne censée ne pouvait espérer que Herrmann allait composer une partition pop, même si quelques chansons de variété étaient sorties en liaison avec certains de ses films, parfois composées à partir de ses thèmes (Marnie).

Finalement, Herrmann fournit une musique aussi sombre qu'on pouvait s'y attendre (à l'image du film) et les deux hommes entrèrent en conflit. Le compositeur démissionna et Hitchcock demanda à John Addison une nouvelle partition. Vous connaissez probablement son générique pour Arabesque. La chanson "Green years" composée pour le film fut également coupée et n'apparait que sur la bande originale.
Herrmann enregistra une partie de sa musique qui apparait dans les bonus du Blu-ray. Le reste a été enregistré par Elmer Bernstein et Joel McNeely mais jamais entièrement.

Même si la scène du meurtre a fini sans musique dans le montage final, Hitchcock avait demandé de la musique dans ses notes écrites et les deux compositeurs s'y sont essayés.
Voici la scène avec la musique de Herrmann:


Et voici John Addison à la baguette:


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