Le cirque et le cinéma ont toujours entretenu une relation amoureuse. Après tout, le cinéma n'a-t-il pas débuté en tant qu'attraction foraine ? Il n'était que juste, qu'une fois ses galons de respectabilité gagnés, il retournerait à la source pour rendre hommage à ce monde de paillettes.Beaucoup de circassiens ont flirté avec le petit ou le grand écran tôt ou tard. En France, on se souvient de Jean Richard autant comme d'un homme de cirque que comme un des plus célèbres Maigret.
Mais bien avant l'invention de la télé, avant même que le célèbre Charles Chaplin s'attaque au sujet, une des familles de cirque les plus célèbres apparaissait à l'écran.
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| Une affiche vantant le numéro des frères à Paris | 
La renommée de François pouvait pourtant être mise à profit dans un autre film dans lequel, non seulement il serait cette fois la vedette, mais surtout, il pourrait apparaître avec ses deux frères Paul et Albert avec lesquels il se produisait avec grand succès au Cirque d'hiver à Paris à l'époque.
Malgré le fait que le tournage se déroula un an après le premier, les deux films sortirent à la même période. Ce film s'appelle Rêves de Clowns.
Peut-être que je n'ai pas assez lu sur le sujet, mais il semble que l'expérience cinématographique des frères Fratellini ne soulève pas un franc intérêt chez leurs biographes.
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| Albert, François & Paul | 
"Pendant une représentation au Cirque d'Hiver, les Fratellini sont en piste, à la grande joie des spectateurs qui rient de leurs tours et les applaudissent avec enthousiasme. Seule, une très jolie jeune femme, placée au premier rang ne se déride pas, n'applaudit pas et paraît préoccupée, ennuyée. Les trois célèbres clowns s'en aperçoivent et, froissés de cette indifférence, se demandent avec angoisse s'ils ne sont pas en train de baisser dans l'estime du public, et s'ils n'ont pas cessé d'être drôles.
retirés dans les coulisses, ils se reposent dans un coin et s'endorment. Un rêve étrange vient alors les hanter : ils se voient faisant leurs tours les plus célèbres ; risquant les acrobaties les plus folles, les grimaces les plus amusantes, les plaisanteries les plus spirituelles. Les spectateurs nombreux, trépignent, applaudissent hurlent de joie, mais la belle jeune femme reste impassible ; en vain multiplient-ils leurs exercices les plus étincelants, elle demeure dédaigneuse, lointaine, méprisante.
On vient les réveiller en sursaut ; c'est de nouveau leur tour de travailler. Ils reviennent en piste : la femme est toujours là, toujours dans la même attitude. Les Fratellini recommencent leurs plaisanteries, se piquent au jeu, sans succès. Mais soudain, ils ont l'explication du mystère : un aviateur célèbre, qui était parti pour un raid dangereux, entre dans la salle, aux acclamations du public qui l'a reconnu, et le félicite du succès de son entreprise ; il va droit vers la femme qui rayonne de joie : c'était lui qu'elle attendait, c'était pour lui qu'elle était distraite et inquiète.
Rassurée maintenant, avec son bien-aimé près d'elle, elle rit, prend part à la gaîté commune, et les Fratellini, rassérénés, fiers d'avoir parmi leurs admirateurs un héros de l'air, reprennent avec plus de verve que jamais leur travail interrompu."
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| Sur le tournage, de gauche à droite : Mme Vigier, René Hervoin et les opérateurs Georges Asselin & André Raymond | 
Elle quitte sa loge alors que les Fratellini sont en piste et cet incident frappe notre imagination à un tel point que, dans notre loge, il devient le sujet d'une conversation qui se poursuit bientôt dans l’irréel.
Transportés dans le royaume des songes, nous y retrouvons Dolorès Braga qui nous impose, pour la faire rire - ô ironie - l'épreuve d'une déclaration d'amour. Successivement, les Fratellini tentent l'aventure. Mais la femme demeure impassible, malgré les plus folles cocasseries. Désespérés , ne sachant que faire, de grosses larmes coulent sur nos joues, creusant sur nos visages enfarinés des sillons qui en accentuent l'effet comique.
Et, devant ces masques douloureux et grotesques, elle esquisse enfin un faible sourire. Mais à qui s'adresse-t-il ? Nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord sur la question, après une vive discussion qui tourne à la bagarre.Mais, brusquement, le songe se dissipe. C'est l'heure d'entrer en piste. A notre stupéfaction, Dolorès Braga se trouve dans sa loge. Et c'est alors qu'une rumeur se fait parmi la foule. Un homme bondit à travers les fauteuils et tombe dans les bras de la jeune femme.
'Vive Maraval ! Vive Maraval !' crie-t-on.
Il s'agit d'un célèbre aviateur qui vient de terminer victorieusement le raid Paris-Dakar-Aden-Paris, battant tous les records existants.
Il est arrivé avec vingt-quatre heures d'avance sur son horaire et s'est précipité à la recherche de Dolorès, à qui il avait promis de l'épouser s'il réussissait dans sa tentative.
Les trois clowns s'expliquent alors l'attitude de la jeune femme qui, anxieuse du sort de son ami, n'avait pu partager les joie des spectateurs.
Et le film se termine en apothéose lorsque Georges Maraval sort de sa poche trois petites poupées fétiches qui sont à l'image des Fratellini."
Dès le 19 juillet 1924, Albert Bonneau publie un article sur le tournage dans Cinémagazine qui se déroule au cirque d'hiver, un bâtiment parisien du XVIIIe siècle. A ce stade, le film est encore intitulé Rêve de Clowns.
François y confirme son emploi du temps chargé, celui-là même qui l'a probablement empêché d'achever le tournage précédent. Lorsqu'ils auront terminé celui-ci, ils sont censés faire une tournée dans le sud de la France et y présenter le film pendant l'été puis, une fois revenus à Paris le 29 août, ils reprendront leur numéro au cirque d'hiver. La photographie ci-dessous, prise sur le plateau, illustre l'article. Elle montre, de gauche à droite : François Fratellini, la coréalisatrice Madame Vigier de Maisonneuve, le régisseur Jacques Calamy, la secrétaire Mademoiselle Beermann, le coréalisateur René Hervoin, l'actrice Yane Odoni, Paul Fratellini, Mademoiselle Marguett, l'opérateur André Raymond, Albert Fratellini et le distributeur Félix Méric.
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| L'équipe du film | 
Le 19 septembre 1924, Cinémagazine publie un autre article sur le film par Jean de Mirbel avec peu d'informations nouvelles, sinon que la loge des clowns fut recréée en studio.
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| Le décor studio de la loge des frères | 
Jean Chataigner écrit également une sévère critique dans Le journal du 21 novembre 1924: "je ne sais quel maladroit (qui mériterait pour sa punition d'être nommé) s'est servi pour les desservir du talent des Fratellini. Heureusement, les Rois du cirque sortiront indemnes de cette fâcheuse et déplorable aventure."
Pourtant, ce relatif échec trouva assez de succès auprès des spectateurs pour que des copies soient encore en circulation des années après. Ainsi, par exemple, le film est projeté le 27 février 1926 à Cancale et le 19 septembre 1927, le film se joue encore à Arcachon.
Sur le site du CNC, Rêves de clowns apparaît comme un des films restaurés. Toujours selon le site, le film contient des séquences en couleurs (probablement des scènes tintées). En tout cas, le film n'est pas disponible en vidéo.
Albert, dans son autobiographie, ne se fait guère d'illusion sur la qualité de l'histoire qu'il appelle "filandreuse et mélodramatique" mais il écrit que c'est "le seul documentaire filmé qui existe sur nous et qui mette en scène, à l'apogée de leur carrière, Paul, François et Albert Fratellini" et il espère "que l'on redonnera peut-être [ce film] sur les écrans lorsque les trois Fratellini ne seront plus que des figures de légende."
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