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La corde au cou devient Bonheur conjugal
Ce film, collaboration avec René Hervil pour le scénario, est plutôt bien documenté dans la presse sous le titre La corde au cou,
qui est son titre de tournage, sous lequel il n'a jamais été distribué.
De ce fait, Jean Tulard s'est laisser abuser et a inclus ce titre
provisoire dans son Dictionnaire du cinéma en tant que production distincte.
Le 21 janvier 1922, la production est annoncée par Comœdia et le début de tournage annoncé le 31 mars 1922 par Cinémagazine.
C'est
le 18 mai 1922 que Comœdia annonce en même temps la fin de tournage et
le changement de titre. Et on annonce dans Bonsoir le 27 novembre la présentation presse pour le mardi 28
novembre au Marivaux. Ce film et le suivant (L'idée de Françoise) sont des exclusivités pour
l'Agence Nationale Cinématographique.
L'histoire
Dans
Mon Ciné du 12 avril 1923, on rappelle le scénario : Jack (Etchepare)
est un jeune homme noceur, danseur et pas sérieux. Son oncle (André
Dubosc) souhaite le faire épouser une jeune fille sérieuse, riche et
physiquement peu avantagée (Denise Legeay) et le menace de le
déshériter, bien qu'il préfère la belle et intrigante Lucienne Legrand
qui, elle, n'a pas le sou. Cet élément pousse le jeune homme à se
conformer aux vœux de son oncle et à épouser Legeay, ce qui ne l'empêche
pas de s'enfuir à Nice s'amuser avec Legrand.
Un ami de Jack,
dans la misère, se suicide vêtu du complet donné par Jack, et la police
confond les deux hommes, de sorte que son épouse éplorée organise ses
obsèques, auxquelles il ne manque pas d'assister en suivant le cortège
en taxi, apprenant ainsi à qui il peut se fier.
Il revient donc à sa femme qui lui pardonne et un enfant vient couronner le happy end.
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Lucienne Legrand |
Une Lucienne de trop ?
Mon
Ciné du 28 septembre 1922 détaille la distribution principale : Pierre
Etchepare, André Dubosc, Dacheux, Denise Legeay, Lucienne Debrienne.
Cette
dernière personne pose question. S'il est effectivement une Lucienne
qui joue un rôle prépondérant, c'est Lucienne Legrand. Or, celle-ci
n'est pas listée. Quant à cette Lucienne Debrienne, elle n'est
mentionnée dans aucun autre film. Or Lucienne Legrand, en septembre
1922, n'est pas une figure très connue : elle n'a alors été vue que dans
un seul et unique film, La vivante épingle, sorti à peine 7 mois avant la publication de l'entrefilet. Le film Les hommes nouveaux, déjà tourné, n'est pas encore sorti.
Le site de la Cinémathèque Française
reprend bien ce nom mystérieux mais il se trompe également sur
l'attribution des rôles (en confondant celui de Legeay et Legrand). Il
confond également l'acteur Georges de La Noë comme le nom du personnage
joué par Dacheux plutôt qu'un des acteurs du film. On peut dès lors
douter de la véracité des informations.
Ce nom résulte-t-il d'une erreur du journaliste, ou de velléité
temporaire d'adoption de pseudonyme de la part d'une actrice en début de
carrière ?
En tout cas, quand arrive le parlant, elle quitte
le métier (et le réalisateur Donatien) et, si l'on en croit ses déclarations en 1934 lorsqu'elle
arrive aux États-Unis, elle est alors devenue styliste et voyage avec sa
mère Émilie, car elle est alors officiellement célibataire. C'est qu'elle a vraisemblablement déjà rencontré le styliste André Pérugia, déjà marié et qui fait désormais carrière aux États-Unis, qu'elle épousera en 1952 !Quant aux autres acteurs, on trouve ici, pour la première fois, Pierre Etchepare, qui ne tournera plus qu'avec Robert Saidreau sur ses 5 prochains films. Le film L'idée de Françoise, pourtant tourné avec lui plus tard, sortira même un mois avant le présent film. André Dubosc est déjà un visage connu pour avoir déjà assuré quelques bons rôles avec Henry Roussel, Henri Fescourt, et... René Hervil ! Deux silhouettes familières du muet semblent également démarrer leur carrière avec ce film : Gilbert Dacheux et Georges de La Noë. Cependant, il est possible que leurs noms n'aient tout simplement pas encore été identifiés dans des films antérieurs.
Une actrice que nous avons déjà rencontré lors de mon article sur J'ai tué, l'un de ses derniers films, est Denise Legeay. Celle-ci a une réaction inattendue quant au film et à son réalisateur : le journal Bonjour nous apprend en effet le 26 octobre 1922 que Saidreau, pour obtenir d'elle les pleurs voulus dans une scène, l'a giflée. On s'attendrait à ce qu'elle lui en garde un ressentiment légitime. Pourtant, dans Le Petit
Journal du 1er décembre 1922, elle n'en laisse rien paraître et dresse un rapide résumé du
film, présenté l'avant veille. Plus étonnant encore, lors de son interview par J.-A. de Munto dans Mon Ciné du 12 avril 1923,
Denise Legeay confie qu'il s'agit alors du préféré de tous ses rôles,
malgré tout ceux qu'elle a tourné avant et depuis. Si l'on considère que sa filmographie s'arrête peu après, c'est là une déclaration édifiante ! De Robert Saidreau,
elle dit que c'est un metteur en scène charmant. "Et un de nos
meilleurs" lui souffle de Munto. Ce à quoi elle répond : "C'est bien mon
avis.
Un article du 2 février 1923 invite à "voir et revoir" Pearl White et ses lions dans Âme de sauvage et Le bonheur conjugal qui est donc en distribution générale à cette date.
Le 12 avril 1923, Bonheur conjugal est projeté au Maillot Palace
Lucien Doublon de
Cinémagazine du 15 décembre souligne le côté invraisemblable de
l'histoire (Etcheparre se retrouve à son propre enterrement) mais
concède "c'est gai, brillant, et cela ne peut plaire qu'à tous les
publics." Cette scène des funérailles a un gros succès comique et
Cinémagazine du 16 février 1923 nous apprend que Saidreau a profité de
l'enterrement de la baronne de Rothschild pour tourner ses séquences !
L'intransigeant confirme le 9 décembre 1922 qu'il s'agit d'un "véritable succès d'exploitation" et publie une bonne critique le 3 février 1923.
Le film existe toujours au CNC dans une belle copie comme en témoigne le blog Ann Harding's Treasures. Le site du CNC précise même qu'il est en noir et blanc et en couleur (vraisemblablement teinté et/ou viré).
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