Personne ne se doute alors qu'il sera un jour le bad boy du cinéma français des années 40, ni que ce poupon muet deviendra la voix de nombreuses vedettes du cinéma américain.
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"Bébé" Clément Mary |
Si Bout-de-Zan lui vole désormais la vedette, il a cependant le même défaut que lui, ainsi que tous les enfants vedettes : il vieillit. Cet irrémédiable problème lui sera fatal : Bout-de-Zan disparaîtra peu à peu des écrans dès 1917 pour ne plus jamais y revenir après 1932.
Une nouvelle carrière
Coïncidence ? Deux ans après, fort d'une carrière de boxeur, et de chanteur d'opérette sur scène, un jeune premier "débute" à l'écran. il s'appelle René Dary et bien malin qui pourra déceler que ce grand gaillard est l'ancien Bébé avec un nouveau nom. Il n'est, pour le reste des années 30, qu'un second rôle aux côtés de Fernandel, Harry Baur, Fernand Gravey, etc.Il s'offre pourtant de prestigieux premiers rôles, mais dans le doublage ! Il est en effet tour à tour la voix d'Henry Fonda (dans La jolie batelière, La cinématographie française qualifie le doublage, aux côtés de Mireille Yvon pour Janet Gaynor, de "convenable mais également sans caractère"), Ray Milland (dans Kidnapping = Alias Mary Dow en 1936 avec Lita Recio et Jean Gaudrey), James Stewart (dans Épreuves en 1937 avec "Dalmée" (Mony Dalmès ?) dans le rôle de Margaret Sullavan), Fredric March (dans Marie Stuart en 1937 avec Lita Recio et Claude Marcy, la voix de Garbo, qui fait ici Katherine Hepburn et Claude Allain), Robert Kent (dans Fossettes avec Colette Borelli pour Shirley Temple), Tyrone Power dans L'incendie de Chicago, et Bruce Cabot (dans Pas de pitié pour les Kidnappers en 1936 aux côtés de Mireille Yvon de nouveau, et Maurice Lagrénée et Delon et Larcheux). Signalons que, pour bien des titres doublés avant 1939, beaucoup de versions françaises d'origine sont perdues et que les films ont souvent été redoublés depuis.
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Les vœux de décembre 1938 d'une vedette montante |
À la veille de la seconde guerre mondiale, il commence à prendre du galon (littéralement) dans Le révolté en 1938, de Léon Mathot d'après un scénario de Henri-Georges Clouzot, où il joue un matelot (beaucoup de ses rôles de l'époque se passent sur un bateau !). Puis il tient un premier rôle dans L'esprit de Sidi-Brahim.
Sous l'occupation, le "Gabin saccarine"
La guerre arrive, et Jean Gabin part. L'exil de ce dernier aux USA laisse vacant le rôle du "dur au grand cœur et à la belle gueule". René Dary s'y engouffre comme dans de confortables charentaises. Il jouera même un film musical, Mélodie pour toi, tourné aux studios de la Victorine à Nice.Mais la notoriété a un prix. En mars 1942, l'occupant incite (voire force) les plus grandes vedettes français de l'écran à s'embarquer Gare de l'Est à destination de l'Allemagne pour une visite très médiatisée sur place, et en France par la presse collaborationniste. Jusqu'à nos jours, dans les livres traitant du sujet (voir l'excellent Continental Films : Cinéma français sous contrôle allemand de Christine Leteux) ou les documentaires (comme La Continental : le mystère Greven de Claudia Collao), on met particulièrement en avant Danielle Darrieux, qui accepte uniquement la première escale contre un droit de visite à son petit ami emprisonné, Suzy Delair, visiblement contente d'être là, Albert Préjean, Viviane Romance, Junie Astor... Dans le très récent documentaire diffusé sur France 5, 1940, Main basse sur le cinéma français, on peut voir les actualités filmées d'époque. Mais que ce soit dans le commentaire d'alors ou celui de 2019, le grand absent est René Dary. Sans doute un reflet de sa popularité perdue aujourd'hui (René qui ?). Pourtant, il est bien là sur presque toutes les images, y compris devant le buste d'Hitler, aux côtés d'Albert Préjean.
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Derrière Albert Préjean, René Dary |
Après la guerre
Peut-être est-ce cette relative discrétion qui fera que, malgré une activité soutenue pendant toute l'occupation (avec des scenarii parfois pétainistes à souhait comme Après l'orage, Coup de tête ou Le carrefour des enfants perdus, mais il signe même celui de Port d'attache lui-même !), René Dary maintient la tête d'affiche à la libération (comme dans 120, rue de la gare), et ce jusqu'en 1950 où sa carrière au cinéma s'arrête brusquement.Si l'on en croit Cinémonde le 3 octobre 1949, il se lance dans la coproduction de La caille qui deviendra à sa sortie On n'aime qu'une fois, après avoir produit deux des films où il apparaît. Il publie un roman, "Express 407", et en écrit deux autres. Mais surtout il se diversifie dans des activités non artistiques : une fabrique de plexiglas et l'achat d'une brasserie. Il prévoit aussi d'ouvrir un salon de coiffure et contemple la création de produits de beauté.![]() |
René Dary producteur |
Avec Gabin
Son film suivant sortira 4 ans après. Gabin est revenu depuis bien longtemps et même lui peine à retrouver son étoile d'antan. Touchez pas au grisbi va donner le ton de la carrière respective des deux hommes. Pour Gabin, il va lui permet de se trouver un nouvel emploi : l'ancien dur à la force tranquille dont Audiard cisèlera bientôt le dialogue. Pour Dary, l'effet ne sera pas le même. Il partage avec Gabin la tête d'affiche. Mais dans ce film, qui se souvient de lui ? Aux côtés de petits rôles comme ceux de Jeanne Moreau et Lino Ventura qui volent les scènes où ils apparaissent, Dary disparaît, comme son personnage de second rôle un peu loser.![]() |
La confrontation Dary - Gabin |
L'effet est immédiat : il faudra 4 autres longues années pour le revoir au grand écran, et il n'occupera plus jamais la première place du générique. Comme d'autres en son temps, il s'exportera en Italie, parfois en qualité de "vedette américaine" en tournant avec Jayne Mansfield. Là bas comme en France, les films auxquels il participe sont très souvent oubliables et chacun d'entre eux scelle son sort de second rôle.
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M. et Mme René Dary en 1949 |
À partir du tournant des années 50/60, c'est la télévision qui va lui proposer ses rôles les plus intéressants. il sera le père Grandet en 1968, tournera deux fois dans Les cinq dernières minutes, deux fois dans La caméra explore le temps, dans La route...
Mais toute une génération de téléspectateurs se souvient de lui comme étant le commissaire Ménardier en 1965 de la passionnante série Belphégor !
Pour un des principaux acteurs français, avec une carrière (ou des carrières, plutôt) qui s'étale(nt) des années 1920 aux années 1970, on aurait pu s'attendre à ce qu'un nombre plus important des quelques 150 titres auxquels il a participé soit plus facilement visible de nos jours. Mais Bébé-René Dary est une personnalité à (re)découvrir !
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C'est tout pour aujourd'hui les amis ! A bientôt !
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