lundi 18 novembre 2019

Huguette Duflos, l'ex

Mademoiselle Meurs

Huguette naît à Tunis d'une mère provençale. C'est en tout cas ce qu'elle répétera à loisir dans ses interviews et ses mémoires. C'est en fait une petite Hermance Joséphine Meurs qui naît à Limoges le 24 août 1887 et dont la famille déménage à Carthage. Déplacer sa date de naissance d'environ 7 ans (elle ne donne pas de date précise) a le double avantage de la rajeunir et de la faire naître en un lieu plus exotique.

Ciné-miroir, du reste, confirme cette naissance dans le Limousin, peut être pas assez au courant de la volonté de Huguette de changer ce détail. À moins que Huguette ne soit dans une période d'honnêteté, car elle avoue également qu'elle est revenue de Carthage à seize ans, ce qu'elle situe à dix ans dans sa biographie, postérieure. On l'aura compris, il faut du cran pour démêler les dates dans ce que raconte l'actrice.


Première communiante
Elle découvre la scène en jouant un ange dans un spectacle organisé à Carthage, chez les sœurs de Sainte Monique où elle est entrée à 6 ans et demi (1894?).

À seize ans ("10 ans" donc 1904 ou 1898 ?), elle part pour Paris (en mentionnant de la neige à son arrivée puis le printemps) et intègre une pension au Raincy, puis le lycée Fénelon où elle dévore Zola au milieu d'un scolarité médiocre. À 15 ans et demi (1909? 1903?), elle entre au conservatoire pour deux ans dans la classe de tragédie et de comédie. Dans la première, c'est Marie-Thérèse Kolb qui dispensait les leçons et qui l'en décourage : son accent tunisien faisant rire la professeur lorsque l'élève vocifère "Les imprécations de Camille". Elle joue donc Rosine dans "Le Barbier de Séville", frustrée d'être reléguée au rôle d'ingénue. Pour le concours du prix de sortie (été 1905?), elle interprète Roméo et Juliette (en ayant un an de plus que l'héroïne: 17 ans) et décroche le second prix.

Madame Duflos au "Français"


Dans les trois ans suivants, elle voyage, et se marie le 5 novembre 1910 à son autre professeur, l'acteur Raphaël Duflos de presque 30 ans son aîné. La naissance du petit Pierre en 1911 n'est peut être pas étrangère à cette union rapide. Ils s'installent 12 rue Cambacérès dans le 8e à Paris et ont une résidence secondaire au Château de Châvres à Vaumoise, dans l'Oise.


Raphaël Duflos dans "Le duel"
Dans une interview, des années après, elle précise que l'interprétation de ce dernier avec Mme Bartet dans "Le duel" d'Henri Bartant est une des raisons qui l'a amenée à son métier lorsque sa famille l'avait emmenée voir la pièce à la Comédie Française.




À 20 ans, (1908 ?), elle sous-entend faire son entrée dans la maison de Molière. L'historien Yvan Foucart situe cela en 1912.

Huguette, elle, situe cela en 1915. (De fait, elle est pensionnaire de 1915 à 1924, puis sociétaire de 1924 à 1927). Elle participe même en 1922 à un documentaire intitulé Molière, sa vie, son œuvre.




Elle dit faire ses débuts dans "Socrate et sa femme" de Théodore de Banville avec Silvain le 11 novembre 1915, ce que confirme Le cri de Paris qui souhaite "à la débutante de longs succès", puis elle joue "La chaîne", d'Eugène Scribe, avec Grand et Berthe Cerny à partir du 9 décembre 1915, puis le rôle de Margot dans "La cruche" de Georges Courteline et Pierre Wolff avec son mari. Elle joue également "Le mariage forcé" de Molière, encore avec Raphaël. Elle partage alors sa loge avec Colonna Romano. C'est ensuite "Le malade imaginaire" en 1916, à l'occasion de la commémoration de la naissance de Molière. Toujours en 1916, elle joue "Les nouveaux pauvres", une comédie en un acte de Jean-François Fonson où la critique de Fantasio la juge jolie et spirituelle.

Chérubin dans "Le mariage de Figaro"
En 1917, elle joue "Les noces d'argent" de Paul Géraldy qui lui préfacera plus tard son autobiographie), avec René Rocher, futur directeur du théâtre Caumartin, puis du théâtre Antoine. Là encore, Fantasio rapporte qu'elle "y jette trop rarement un rayon de soleil".

En 1918, c'est "L'abbé Constantin". Émile Fabre est alors administrateur de la Comédie Française. Elle y joue également "Le vieil homme" de Georges de Porto-Riche, et "Je suis trop grand pour moi" de Jean Sarment...

Huguette Duflos au cinématographe


Elle se souvient que c'est Henri Pouctal, lors d'une soirée, qui lui propose de débuter devant la caméra dans L'instinct de Kistemaeckers, qui sort le 20 octobre 1916 au Tivoli cinéma. En effet, le sujet de la pièce semble fait exprès pour le couple de comédiens Duflos : le chirurgien Jean Bernou (joué par Raphaël) a commis l'erreur d'épouser une trop jeune femme, Cécile (Huguette), qui ne s'intéresse pas à son métier. Il se trouve bientôt pris entre devoir professionnel et jalousie et devra sauver l'amant de sa femme. Mais selon l'IMDb, Huguette est une des silhouettes dans L'assasinat du Duc de Guise d'André Calmettes et Charles Le Bargy. De plus, Pouctal la fait tourner jusqu'à deux ans avant! Mais c'est aussi du même auteur, La flambée, joué par son mari qui la décide à franchir la porte des studios.


L'imdb retient Les droits de l'enfant avec Raphaël mais Lucien Pinoteau, régisseur, se souvient que c'est Germaine Dulac qui réalise, pas Pouctal.


Huguette raconte sa première journée au Film D'art comme une longue attente. Au bout de plusieurs heures, à bout, elle se rend en loge pour se changer. Pouctal entre alors pour lui dire qu'on l'attend pour tourner : Huguette lui jette ses escarpins au visage. Le tournage reprendra pourtant et c'est le début d'une fructueuse carrière. Le critique d'Hebdo film, A. de Reusse, rapporte, enthousiaste : "Elle est le charme ! C'est exquis de le subir. (...) Mais je ne soupçonnais pas dans cette fine et gracieuse parisienne un tel don de l'émotion, une telle puissance dramatique. Elle est dans L'Instinct toute la Femme : bonheur, amour, souffrance. C'est une belle et grande artiste."

Elle signe donc avec Alex Nalpas un contrat de 3 ans. Il prévoit qu'elle touchera  1.500 francs par mois la première année, puis 1.800 les deux suivantes.



Dans L'abbé Constantin en 1917
Elle tourne donc Madeleine de Jean Kemm, d'après le roman de Jules Sandeau et lors de la sortie, Hebdo-film annonce qu'Huguette est décidément "une de nos prochaines grandes vedettes de l'écran."

Louis Nalpas lui fait interpréter Volonté de Georges Ohnet. La critique du 26 avril 1917 dans Le strapontin la décrit comme "jolie, agréable, touchante" mais regrette que la longueur des écrans (les intertitres) l'ait empêché d’apprécier le jeu des acteurs.

Puis La femme inconnue de Gaston Ravel, Hebdo-film prédit qu'elle "comptera certainement un jour parmi les les trois ou quatre étoiles définitives de l'écran."
Viennent ensuite la comédie sentimentale Son héros de Burguet (Hebdo-film rend compte de la présentation le 7 juillet 1917 et juge Huguette fine et spirituelle), et Les bleus de l'amour de Desfontaines.



Puis un grand film de Pouctal, Travail qui sort le 20 janvier 1920 et où Huguette partage la vedette avec son mari.

Huguette Duflos & Fabien Haziza dans Travail



Elle tourne L'ami Fritz avec René Hervil, qu'elle jouait à La Comédie Française le soir de son premier jour au cinéma, film pour lequel elle se souvient "Jamais l'Alsace n'avait dû recevoir tant d'eau que cette année là." La présentation de gala en décembre 1919 se fait en présence du Maréchal Foch et du Maréchal Pétain avec une partition spéciale de Henri Maréchal.



Dans L'ami Fritz
Elle se souvient qu'après les prises de vue de Madame de La Seiglière, toujours d'après Jules Sandeau, Romuald Joubé et elle se délassaient en dansant le fox-trot au son d'un orgue de barbarie, ce qui faisait les délices d'Antoine.
Comoedia nous rapporte dès le 25 octobre 1919, qu'à l'instar de Gloria Swanson dans Male and Female, la même année, Huguette tourne une scène de rêve en compagnie d'un lion sans autre protection que la présence du dompteur hors-champ.



La fleur des Indes, de T. Bergerat, est également un succès.



En décembre 1920, Pathé édite Le piège de l'amour qui sortira également en Grande Bretagne.

Huguette la vedette


Avec Romuald Joubé dans Mlle de la Seiglière
Huguette reçoit des lettres de l'Europe entière et s'amuse parfois à les lire en compagnie de sa secrétaire. On lui demande ses sentiments à propos de Mussolini,  si elle aime Ramon Novarro, combien elle gagne, ce qu'elle cuisine... Mais Huguette n'aime pas la politique.

Les lecteurs de Cinémagazine l'élisent comme meilleure candidate pour jouer Constance Bonacieux dans Les trois mousquetaires, pourtant Huguette a d'autres rôles en vue dans son contrat avec L'éclipse.



Cette popularité prend un essor nouveau lors de la sortie du film Les mystères de Paris où Huguette joue le fameux rôle de Fleur-de-Marie.

Dès le 27 mai 1921, elle fait la couverture de Cinémagazine. Elle y réitère qu'elle est née à Tunis et que son premier film est L'instinct. Elle ajoute qu'elle fume et que son héros est Napoléon, au milieu d'autres réponses aux questions stupides d'une interview pour midinettes. L'article qui suit signale la sortie de Lily Vertu et chante les louanges de Huguette dans L'ami Fritz et Madame de La Seiglière. Elle tourne aussi Amie d'enfance pour les Films l'Alouette qui sort également en 1922.

Dans Lily Vertu


Elle tourne ensuite J'ai tué ! au côté de la vedette internationale Sessue Hayakawa et La Princesse aux clowns avec Charles de Rochefort.

Dans Koenigsmark
Elle joue dans Koeningsmark pour travailler avec Léonce Perret mais aussi satisfaire un rêve de jeunesse : connaître l'Allemagne. On tourne au Tyrol, à Partenkirchen, Ammergau, Schongau. Elle se réjouit auprès de Ciné-Miroir, avant de partir, qu'elle va avoir "vingt-six robes et costumes divers et surtout une toilette de mariée avec une traîne de 7 mètres de long."

Les figurants de l'opéra de Munich tournent des silhouettes dans le film et régalent l'équipe de chants les jours de pluie. Le neveu du Comté Zeppelin remporte le rôle d'un des ministres du personnage de Huguette.



Avec Jaque Catelain dans Koeningsmark
Elle évoque la cuisine française d'un restaurant de Munich en 1923 car c'est là que sort le film.

Elle y constate l'extrême pauvreté due à la guerre qui a laissé l'Allemagne exsangue et elle se souvient que Catelain ne s'amusait guère. Il doit la porter à bout de bras, apparemment évanouie, en descendant trois étages avec une échelle d'incendie, le tout arrosé par des pompiers qui tentent d'éteindre le feu dont leurs personnages s'enfuient. Plusieurs prises de ce calvaire seront nécessaires.

L'actrice y gagne 3 semaines de fortes fièvres et une congestion pulmonaire avec complications qui l'empêchent de paraître sur scène pour 6 mois.

À peine convalescente, elle décide sur un coup de tête de couper ses longues boucles blondes.

Elle adopte alors une coiffure plus moderne, et plus en accord avec son âge.

Une fois remise, elle part mardi 30 juin 1925 tourner à Vienne Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose) de Robert Wiene avec Jaque Catelain.

Le tournage dure 6 semaines. C'est le jeudi 16 décembre 1926 qu'a lieu à Mogador la répétition générale avec l'orchestre pour la première française mais sa sortie dans ce même théâtre n'aura lieu que le 28 mars 1927 ! En effet, Richard Strauss a écrit une partition spécialement pour le film, qui est déjà sorti depuis janvier 1926 à Berlin.





Avec Georges Galli dans L'homme à l'hispano
Pour L'homme à l'hispano, elle part tourner quelques scènes à Arnaga, au pays basque, dans l'ancienne villa d'Edmond Rostand. Elle se souvient, à l'occasion d'une émission radio du 31 octobre 1953 sur le régisseur du film, Lucien Pinoteau, combien ce tournage l'avait enchanté : admirablement reçue par un riche Argentin, l'équipe a tourné un mois dans des jardins admirables. Dans ce film, elle partage la vedette avec un nouveau venu, Georges Galli, qui peu de temps après deviendra, et pour le reste de sa vie, l'heureux prêtre de Sanary-sur-mer.

Parallèlement à cela, le 8 mars 1924, elle signe pour devenir sociétaire de la Comédie française et y rester pour 20 ans.





Huguette Ex-Duflos fait cavalier seul

Le 1e décembre 1925, La rampe nous annonce que la séparation annoncée "il y a longtemps" des deux sociétaires est désormais chose faite : Huguette et Raphaël se séparent "amicalement" et ce dernier permet à Huguette de conserver son nom. Celle-ci est censée se remarier "avec un industriel".
Le 27 mars 1926, c'est Paris soir qui confirme qu'ils sont en instance de divorce. Vers avril 1926, elle embarque pour Tunis afin de jouer Yasmina.


Le 29 juin 1926, lassée de se voir retirer des rôles pour des actrices plus jeunes, elle envoie sa démission de La Comédie française, suivant en cela Raphaël qui a lui même quitté l'institution 2 ans auparavant. Sa démission est refusée : las, Huguette est déjà engagée depuis le 5 juillet par M. Lehmann pour jouer au Théâtre de la porte Saint-Martin. S'ensuit un procès qui la condamne à verser 150.000 francs de dommages et intérêts.


Ce départ annonce un autre changement. Paris Soir nous avise le 23 juillet 1927 qu'à la suite d'un "divorce retentissant", Huguette doit changer de nom de scène. Il faut croire que la séparation n'est pas si amicale qu'on avait voulu bien l'annoncer précédemment. Son nom de scène est censé être désormais son prénom seul. C'est donc avec une certaine ironie, et un sens certain de la publicité, que l'affiche de sa nouvelle pièce à l'Athénée, "Nicole et sa vertu", proclame dès le 8 septembre 1927 qu'elle sera jouée par "Huguette, Ex-Duflos". C'est sous ce nom, avec ou sans virgule et parfois entre parenthèses, que l'actrice se produira pendant des années après cela. Elle prétendra dans une interview de 1933 qu'il s'agissait de l'idée du directeur de salle qui "ne savait pas quoi mettre sur l'affiche".


Elle répète donc une revue de Maurice Donnay et Henri Duvernois à La porte Saint Martin. Elle est éreintée par la critique. Son jeu, probablement trop ampoulé, héritage de la Comédie Française, ne se prête guère au boulevard. Elle persévère et apprend en jouant "Nicole et sa vertu", 

Viennent ensuite "Crime" à partir du 26 avril 1928, "La guêpe" (de Romain Coolus au théâtre Fémina), "L'homme de joie" (de Paul Géraldy et Robert Spitzler, au théâtre de la Madeleine), "Le dernier Tsar", "Miss France", "Bloomfield", "Paraître" (de Maurice Donnay),...


Le 18 décembre 1928, elle embarque à Marseille sur le Lotus pour une tournée d'Orient de 52 jours qui passera par Alexandrie, Le Caire, Athènes, Constantinople, Bucarest et dans chacune de ces villes, on réserve un accueil enthousiaste à la troupe également composée de Maurice Escande, Lafon, Germaine Michel, Ginette Faure, Marguerite Bolza, Yvonne Garat, Julien Lacroix, Clément Berger et Hélène Mirey avec l'impresario Bertran.

Dans ses 6 malles, elle emporte 80 robes pour pouvoir interpréter les 10 pièces prévues : de "La dame aux camélias" à "La guêpe" en passant par "Nicole et sa vertu" ainsi que "La nuit d'octobre".

Après Bucarest, où elle reçoit la médaille Bene Merenti, elle se précipite à Paris où elle a un engagement pour jouer "L'Homme de joie" de Paul Géraldy. La tournée se poursuit donc avec Marie-Thérèse Pierat qui remplace Huguette Duflos.

Huguette parle !


C'est au printemps 1929 que Roger Goupillères lui propose de tourner son premier rôle parlant dans le moyen métrage La voix de sa maîtresse, avec André Luguet, également transfuge de la Comédie Française. En effet, Huguette semble être l'interprète idéale de ce nouveau médium: outre le fait qu'elle est déjà une vedette de cinéma certifiée depuis plus de 10 ans, son expérience sur les scènes les plus prestigieuses ne laisse aucun doute sur son habilité à maîtriser sa voix. Elle se souvient pourtant qu'à cause de la technique encore vacillante, on ne parlait que peu dans ce film et que "ce n'était sans doute pas plus mal."

Malgré les limitations techniques, des films parlant se tournent en France et M. Adolphe Osso, directeur de la Paramount française engage Huguette en octobre 1930 comme vedette principale de l'adaptation du roman de Gaston Leroux : Le mystère de la chambre jaune, tourné par Marcel L'herbier à Joinville et dans les studios de La rue Francoeur.

Elle se souvient qu'elle devait pratiquement hurler des répliques censées être murmurées lorsque le micro était éloigné et son jeu, encore très teinté de ses expériences du muet et de la scène, n'est en fait guère adapté au parlant.

Duflos en VO


Mais les studios américains sont également désireux de garder le marché européen sur lequel leur production muette domine depuis la première guerre mondiale. L'adaptation d'un film muet ne nécessite que de nouveaux intertitres et quelques coups de ciseaux mais malgré quelques très rares tentatives de doublage au début du parlant, on présente beaucoup de film parlants en anglais à Paris et, une fois l'attrait de la nouveauté passé, les films américains risquent d'être boudés par un peuple français proverbialement mauvais en langues étrangères.

On remplace maladroitement les images par des intertitres pour traduire les dialogues mais la solution qui se profile en ce début des années trente consiste à tourner des versions étrangères des succès américains. Quelques films sont entièrement tournés ou partiellement modifiés en France comme Paramount en Parade. Il apparaît aux studios qu'il est bien moins cher d'utiliser les décors de la production originale à Hollywood et on utilise donc les interprètes francophones expatriés comme seconds rôles. Les têtes d'affiches sont à Paris. Qu'à cela ne tienne : on leur propose le salaire nécessaire pour qu'elles fassent le déplacement.



C'est ainsi que Huguette, sans parler un mot d'anglais, s'embarque sans grande conviction sur le Mauretania le 27 décembre 1930, et après un très court passage à New York, traverse les États-Unis en train, voyage qu'elle trouve monotone. Elle découvre à Hollywood la rigueur industrielle des tournages de la machine à rêves et s'émeut de devoir payer une amende lorsqu'on la surprend à abîmer un chapeau qu'elle doit porter dans le film.

Mais il y est aussi accueillie chaleureusement par la colonie de vedettes françaises venues pour la même raison qu'elle : c'est le couple Jacques Feyder - Françoise Rosay qui semble être le ciment de ce groupe composé également d'Arlette Marchal, d'André Luguet, Jeanne Helbling, etc.



Elle tourne avec Charles Boyer et François Rosay la version française d'un film dont le rôle principal est interprété par Norma Shearer dans la version américaine : Le procès de Mary Dugan.

Avec Charles Boyer et André Burgère dans Le procès de Mary Dugan


Le tournage ne dure que 17 jours intenses et son séjour 3 semaines durant lesquelles elle rencontre Greta Garbo, Joan Crawford, John Gilbert, Norma Shearer, etc. et assiste émerveillée à la première des Lumières de la ville le 30 janvier 1931 au Los Angeles Theater où elle s'étonne de l'accueil blasé d'un tel chef d'œuvre.



Le procès de Mary Dugan sortira en France le 6 novembre 1931, date à laquelle Huguette sera déjà rentrée chez elle contrairement à ce qui était prévu : un deuil lui donnera le prétexte dont elle avait besoin pour rompre son contrat avec la MGM et quitter ce pays dont elle ne parle pas la langue et où l'exercice de sa profession est trop différent à son goût. La version française de Paid, avec Joan Crawford, où elle devait tenir la vedette, ne sera pas tournée.



La réalisation systématique des versions multiples ne survivra guère à son départ, remplacée par la généralisation du doublage qui, lui, ne présentait pas l'énorme inconvénient de priver les vedettes américaines de leur popularité à l'étranger et offrait l'avantage de coûter beaucoup moins cher.



Certaines vedettes reviennent alors en France et d'autres, comme Charles Boyer, Lily Damita, s'acclimatent ou reviennent plus tard faire carrière dans la langue de Shakespeare.

Le deuil n'est pas la seule tragédie que doit affronter Huguette : le 3 mai 1931, alors qu'elle joue "Tout va bien" de Jeanson au théâtre, elle est en couverture du Petit Journal car une folle à tenté de la poignarder.


Bien des défauts de tournage du parlant constatés en France lors du Mystère de la chambre jaune s'estompent déjà lors du tournage du second volet : Le parfum de la dame en noir qu'elle entame en juin 1931, d'abord sur la côte d'azur pour les extérieurs, puis aux studios de Courbevoie et de la rue Francoeur pour les intérieurs. Le film est présenté le 6 novembre à 10 heures et est reçu chaleureusement. Dès 13H15, le même jour, le public peut voir le film au Marivaux Pathé, alors que Le procès de Mary Dugan sort le même jour à l'Aubert Palace.

Les souvenirs d'une actrice 


On aurait pu croire que c'était là le début d'une fulgurante carrière dans le parlant. Pourtant, on ne pourra s'empêcher de remarquer que les rôles de l'actrice sont encore souvent ceux de la jolie blonde et il se trouve beaucoup d'actrices beaucoup plus jeune pour jouer ceux qui se présentent.

Même lorsqu'on a officiellement sept ans de moins que ses artères, il est difficile de jouer les ingénues à 44 ans !

Huguette quitte alors les écrans et s'emploie à rédiger son autobiographie qui sort en 1932 : Heures d'actrice. Elle le signe Huguette Ex-Duflos et ne mentionne son ex-mari que lorsque l'absolu nécessité le dicte, et sans le nommer. Peut être est-elle conseillée dans cette publication par son fils de 20 ans, Pierre Duflos, qui publie lui-même La Princesse aux skis en février 1931.


Pourtant, les relations avec son ex-mari semblent à ce point bonnes qu'ils jouent à nouveau ensemble dans "Bonheur", une pièce de Mme Karem Bramson à partir de mars 1933 au Théâtre des ambassadeurs. À cette occasion, et apparemment d'accord avec lui, elle reprend le nom d'Huguette Duflos. Mais les années d'"Ex-Duflos" laisseront des marques pendant longtemps encore : en octobre 1944, d'abord pour dénoncer Léo Joannon comme collaborateur, puis les longues années qui suivent pour des critiques acerbes de spectacles, Henri Jeanson signera dans le Canard enchaîné et dans Cinémonde, sous l'ironique pseudonyme de "Huguette Ex-Micro" accompagnés d'une bien peu flatteuse caricature. Pour l'heure, la nouvelle relation amicale entre les ex-époux fait même l'objet d'un article dans Paris Soir le 10 mars 1933.
Détail de la couverture du Cinémonde du 6 avril 1948.

En 1934, elle joue "Do Mi Sol Do" à la Michodière avec Victor Boucher.

De retour à l'écran


Elle ne reprend le chemin des studios de cinéma qu'en 1935 pour la comédie musicale Martha où elle joue la Reine Anne. La presse nous informe que le film n'a pas pu être terminé à temps pour la période retenue d'exclusivité et donc, le film sort sur tous les écrans parisiens le 17 janvier 1936.
Avec Jean-Pierre Aumont dans Maman Colibri

Elle tourne ensuite le rôle d'une autre Reine pour Sacha Guitry dans Les perles de la couronne, puis le rôle titre de Maman Colibri, de Julien Duvivier, un remake où elle joue un rôle de grand-mère.

Elle poursuit sa carrière sur scène avec "Noix de Coco" de Marcel Achard aux cotés de Raimu. La pièce est un grand succès et est même radiodiffusé en février 1936.

Le 16 décembre 1937, c'est "Le train pour Venise" au théâtre Saint Georges avec Louis Verneuil. Huguette reprendra son rôle dans l'adaptation cinématographique d'André Berthomieu l'année suivante.

En 1939, elle joue le rôle principale de Visages de femmes de René Guissart, dans lequel Pierre Brasseur la quitte pour une jeune Meg Lemmonier.
Avec Pierre Brasseur dans Visages de femmes

Pendant la deuxième guerre mondiale, elle n'apparaîtra que dans deux films, en vedette américaine, et notamment dans La loi du printemps. Elle continue pourtant sa carrière sur les planches. En 1943, Huguette se fait interviewer pour la radio quand elle joue "Le fantôme de Madame" au théâtre Saint-Georges aux cotés de Francis Blanche et Henri Vidal. Une fois la guerre terminée, le grand écran ne lui offrira plus que 4 rôles, dont celui de la Reine Marie de Médicis dans Le Capitan, un film en deux époques.

En 1950, elle joue Léa dans "Chéri" de Colette et Léopold Marchand avec Jean Desailly dans une adaptation radiophonique diffusée le 30 mars. Avant cela, le 13 mars, elle créé à la scène le rôle de la Comtesse Louise de Clérambard dans "Clérambard" de Marcel Aymée, qui est un formidable succès qui sera donc rejoué 4 ans plus tard, toujours avec Huguette.

Le 18 octobre 1951, on l'interviewe sur son entrée au Lycée Fénelon lors d'une émission radio consacrée à l'établissement. On la complimente sur ses minoches bleus (son couvre-chef). Elle croit être rentrée en 3e. Elle était dans une pension au Raincy. Elle trouve le lycée très noir, très triste. Elle affirme avoir appris à lire avec Musset à 6 ans.

Le 21 février 1954, la radio diffuse une adaptation de Frédéric Dard de Bel Ami de Maupassant où Huguette Duflos joue Mme Walter. Le 1er mai, elle reprend donc "Clérambard". Le 26 juin 1955, avec Jacques Morel, elle joue à la radio Le croquant indiscret. Le 14 avril 1957, elle joue La vieille maîtresse à la radio. Le 18 février 1958, elle vient témoigner dans une émission radio sur Marcel L'Herbier, sous la direction duquel elle a tourné ses deux premiers longs métrages parlants. Le 17 avril 1960, la radio retransmet Gigi du théâtre Antoinette où Huguette joue le rôle de Madame Alvarez.
Le 30 mars 1961, elle reprend une nouvelle fois son rôle dans Clérambard pour la radio.
En 1962, elle tourne son dernier rôle à l'écran dans Les petits matins. Le 20 janvier 1966, la télévision rend hommage à Jaque Catelain et diffuse une interview d'Huguette à cette occasion.
Le 23 juin 1967, Huguette participe à l'émission Alors raconte avec Maurice Escande où ce dernier raconte les tempêtes qu'ils ont dû essuyer lors de la fameuse tournée orientale.


Le 9 avril 1969, Huguette revient sur les écrans français (petits, cette fois), afin d'évoquer avec ses camarades acteurs les débuts du film parlant lors de l'émission Les dossiers de l'écran. Pour commenter la projection du film Boulevard du crépuscule, la star Gloria Swanson est invitée ainsi que de nombreuses vedettes françaises comme Albert Préjean, Jean de Limur, Arlette Marchal...

Elle s'éteint le 12 avril 1982 à l'âge très respectable de 94 ans.

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1 commentaire:

LolaKate a dit…

elle vient témoigner dans une émission radio sur Marcel L'Herbier, sous la direction duquel elle a tourné ses deux premiers longs métrages parlants