lundi 25 janvier 2021

À la gare [Robert Saidreau - Chapitre 16]

 Pour lire le précédent chapitre de cet essai sur l’œuvre du réalisateur Robert Saidreau, cliquez ici.

Une ou deux pièces ?

Si l'on en croit Cinémagazine du 3 août 1923, ce film se veut une parodie du film La roue d'Abel Gance, d'où le thème du chemin de fer.
Mais d'après la vedette Armand Bernard dans Mon Ciné du 11 novembre 1923, c'est une adaptation d'une pièce intitulée "Il est cocu le chef de gare" jouée au Déjazet, écrite par Nicolas Nancey et jouée par Léo Rivière, Pierre Darteuil et Yette Rénot.
Nicolas Nancey, né Nicolas Zouros à Marseille et mort à Vichy en 1925 prématurément d'une congestion pulmonaire à l'âge de 51 ans, a écrit beaucoup de vaudevillesÀ dont le plus populaire a été Théodore et Cie. On notera que le 30 juin 1923, Comeodia annonce que le prochain film de Saidreau et Armand Bernard et bien une adaptation de Nancey, mais retient la pièce "Pétoche", co-écrite avec Rioux et jouée par Dranem à l'Eldorado. L'Intransigeant confirme ce fait le 21 juillet 1923 alors qu'on commence le découpage de "À la gare avec Armand dans le rôle de Pétoche, tiré de l’œuvre de M. Nancey". A-t-on affaire à un condensé de deux pièces ? En tout cas le film raconte l'histoire d'un voyageur, Mumudec (Armand Bernard), qui se retrouve mêlé dans les aventures de la peu fidèle femme du chef de gare. 
Un homme moustachu met en joue un autre homme qui lève la main droite en direction du pistolet et qui tient une femme évanouie de la main gauche.
Le chef de gare (Louis Pré Fils) est très jaloux de Farney

Distribution

Le chef de gare du titre de la première pièce est, dans le film, Louis Pré-Fils qui retrouve le réalisateur pour la deuxième, et pas la dernière fois.
Le film est d'ailleurs porté par Armand Bernard, qui collabore également pour la deuxième fois avec Saidreau, et dont on annonce le 20 juin 1923 qu'il vient de terminer Ma tante d'Honfleur, "premier d'une série de comédies pour Diamant-Berger éditée par L'Agence générale cinématographique", qu'il tourne actuellement "À la gare", et devra commencer dans un mois une grande comédie tirée d'une pièce célèbre. On notera le rythme frénétique de tournage de cet acteur, alors si populaire.
Le Planchet des 3 mousquetaires n'est pas le seul rescapé de l'adaptation de Dumas à jouer ici : Charles Martinelli qui jouait Porthos, Marcel Vallée (Mousqueton), Louis Pré-Fils (Grimaud) et Antoine Staquet (Bazin) sont également de la partie.
Portrait de studio d'une femme d'une vingtaine d'années aux cheveux blonds bouclés et avec un large décolleté.
Marguerite Moussy


Parmi les autres acteurs, dans le rôle de l'infidèle, on annonce Marguerite Moussy le 7 septembre 1923. Il s'agit d'une ravissante blonde issue du théâtre des Capucines, qui sortait tout juste des opérettes à succès "Phi-Phi", "Dédé" (plus de 400 représentations) et "Là-Haut" avec Maurice Chevalier. Peu après le tournage, elle tombe gravement malade, annule sa participation à une opérette et subit une opération. Elle guérit, remonte sur les planches, mais en décembre 1925, on annonce qu'elle s'évanouit lors d'une générale par surmenage et on perd sa trace après 1927. À la gare semble être sa seule incursion dans le cinéma.
Paulette Ray, elle, signe également là son deuxième film avec Saidreau, mais elle, a travaillé avec lui plus tôt, dans La nuit de la Saint-Jean. Elle abandonnera rapidement le métier pour son mariage après le film J'ai tué.
Trois hommes en uniforme des chemins de fer semblent discuter du lapin que tient celui du milieu.
Antoine Stacquet, Armand Bernard et Marcel Vallée


Le tournage

Robert Saidreau tourne aux studios de Joinville en même temps que Jacques Feyder qui tourne alors son chef-d’œuvre Visages d'enfants comme en atteste Cinémagazine le 7 septembre 1923.
Alors qu'on annonce la fin prochaine du tournage le 6 octobre, on devine que celui-ci ne se passe pas sans problème : l'opérateur Alfred Guichard, emporté par un écroulement de charbon, est tombé d'une locomotive en marche avec son appareil qui seul fut brisé, ce qui est rapporté dans Paris Soir le 8 octobre et Mon Ciné du 15 novembre.On peut tout de même en déduire que les mouvements de caméra devaient, dans l'intention au moins, rivaliser avec ceux de La roue.
Deux hommes et deux femmes assis autour d'une table avec nappe à carreaux lèvent leur verre.
Armand Bernard, Paulette Ray, Farney et Maud Garden

La sortie

Aucune raison ne semble donnée pour cela à l'époque, mais ce deuxième des trois films de la collaboration entre Armand Bernard et Robert Saidreau ne sortira que des années après avoir été tourné.
Un destin qu'il partage, en moindre mesure, avec le suivant, Un fil à la patte. Se peut-il que les ennuis juridiques du réalisateur ont joué dans ce délai franchement exceptionnel ? Il est en tout cas troublant de constater que la procédure classique de distribution n'est enclenchée que sitôt après la mort du réalisateur.
Ainsi le 23 décembre 1925, on présente le film à l'Empire. Et on trouve une première sortie à Marseille, au Régent Cinéma, le 26 février 1926 et à Angers au Palace le 22 juillet 1926 !

Malgré cette bizarrerie, le film aura apparemment assez de succès pour être refait en version sonore moins de 10 ans après par René Guissart sous le titre "Ah! quelle gare" et c'est Dranem qui tient de nouveau le rôle principal. La boucle est bouclée.

Un homme habillé en chef de gare parle un porteur à genoux devant un tas de bagages sur le quai d'une gare.
Louis Pré Fils et Armand Bernard à la gare

Pour lire le chapitre suivant sur l’œuvre du réalisateur Robert Saidreau, cliquez ici.

Cliquez "j'aime" sur la page Facebook si vous aimez mon blog.
C'est tout pour aujourd'hui les amis ! A bientôt !