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Planchet
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Armand Bernard |
Pour ce film, Robert Saidreau s'attache pour la première fois les talents d'une vedette comique qui monte, mais qui va avoir besoin du réalisateur pour s'éloigner d'un rôle qui lui colle à la peau, et qui se trouve être aussi celui qui a généré son succès. En effet, à l'époque où il signe avec Saidreau, Armand Bernard est depuis deux ans auréolé du triomphe du film de Henri Diamant-Berger Les trois mousquetaires, où il joue le rôle de Planchet. Si le personnage est loin d'être la vedette du roman, Armand Bernard l'a rendu si mémorable dans la version filmique qu'il va jouer des personnages nommés Planchet dans 4 des 5 films qui suivent et lui-même est régulièrement affublé du sobriquet. Si la popularité de Planchet est un hommage indéniable au talent de l'acteur, elle menace sérieusement d'éclipser Armand Bernard et ses multiples talents et de le condamner à ne plus jouer que le valet du gascon jusqu'à épuisement du spectateur.
Cela ne lui aura probablement pas échappé, qui signe un contrat de trois films avec un réalisateur de comédie déjà bien établi, pour jouer des adaptations de pièces non moins solides, dont aucune d'entre elles n'inclue un Planchet à l'horizon, ou même un personnage approchant. Grâce à Saidreau, Armand Bernard ne jouera plus jamais à l'écran de "Planchet", même si ce rôle lui restera collé à la peau dans bien des articles après cela. On le voit ici embrasser son effigie dans un hall de cinéma pour le photographe de Mon Ciné à l'occasion de la présentation du film Le roman d'un Roi.
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Armand Bernard embrasse Planchet |
L'histoire
"Ma tante d'Honfleur" est donc une pièce à succès de Paul Gavault dont Robert Saidreau vient d'adapter L'idée de Françoise qui paraît sur les écrans alors qu'on annonce le 20 avril 1923 le tournage prochain de cette nouvelle adaptation. Le propos est du pur boulevard : Armand Berthier (Armand Bernard) profite du financement de ses études par sa tante (Jeanne Loury) pour vivre oisif à Paris. Un jour, la tante débarque et les ennuis commencent. Alors qu'Armand essaie d'exfiltrer une femme, Lucette (Irène Wells ?), de son appartement sans que l'aïeul s'en aperçoive, Albertine (Peggy Vère) frappe à la porte.
Armand a promis à son ami Adolphe Dorlange (Pierre Etechepare) de signifier à la demoiselle la fin de leur union. Celle-ci convainc à son tour Armand de tenter de persuader Adolphe de lui revenir. Pour ce faire, Armand séduira la nouvelle petite amie de son camarade, Yvonne (Mary Belson ?) et la tante approuvera l'union.
Outre une énième collaboration de Pierre Etchepare avec Saidreau, on note aussi la deuxième et dernière avec Mary Belson dans un rôle identifié le 26 mai 1923 comme étant celui de Lucette, ce qui diffère de imdb. Et Jeanne Loury est ici au début d'une longue carrière de tantes et de mères à seulement 26 ans, c'est à dire bien plus jeune qu'Armand Bernard à l'époque.
Ce petit monde est très avantageusement entourés par des seconds rôles solides et dont la popularité déjà établie ne va aller qu'en grandissant : Marcel Vallée (le valet de chambre), Charles Martinelli (le père d'Adolphe), Louis Pré-Fils (Le docteur Douce) et Joffre. Quatre acteurs qui avaient partagé l'écran avec "Planchet" dans Les trois mousquetaires.
Le tournage
L'Intransigeant annonce le 19 mai 1923 que le tournage de Ma Tante d'Honfleur a commencé.
Pour autant Comoedia prévient le 31 mai que Planchet, avant de commencer les extérieurs, doit encore aller à Bordeaux faire son sketch avant de tourner les extérieurs.
Mon Ciné nous explique de quoi il s'agit : les auteurs Georges de La Fouchardière et Félix Celval ont écrit un sketch comique, "L'aventure de Planchet", que Rachel Devyris et Armand Bernard jouent alors dans 28 cinémas de France, et dans lequel Anne d'Autriche poursuit Planchet de ses assiduités. La tournée à Bordeaux et Biarritz s'interrompt pour terminer le tournage de Ma Tante d'Honfleur.
Les extérieurs ont été fait à Bièvre, où Saidreau et Bernard ont étudié le scénario couchés dans l'herbe.
C'est le 16 juin que Comoedia annonce la fin du tournage des intérieurs.
La sortie
On présente Ma tante d'Honfleur (1730 mètres) à la presse le 19 septembre 1923 au Select. Après
avoir vu la présentation, Albert Bonneau rapporte dans Cinémagazine le 5
octobre 1923 que le film "promet au public de forts agréables
instants." Il faudra attendre le 16 novembre 1923 pour que le public puisse le voir au Louxor, Pathé Palace, Royal Wagram, etc. Puis le 29 janvier 1924 au Artistic cinéma.
Bonsoir publie sa critique le 18 novembre 1923 : "ses comédies filmées
traitées avec goût et intelligence ont toujours amusé et retenu
l'attention du public." Devant ce succès, la pièce sera de nouveau adaptée à l'écran en 1931 et 1949.
Pour l'heure, Robert Saidreau est désormais devenu un réalisateur assez important pour que ces citations, tel un auteur classique, soient reproduites avec emphase en gros caractères en marge des articles de l'Intransigeant qui traitent de ses films : "Il est plus difficile de faire rire que de faire pleurer. Que l'homme
qui n'est pas pénétré de cette vérité essaie de mettre en scène un film
comique."
On ne sait si c'est par une sensibilité allergique ou visionnaire, mais il semble qu'à l'époque, il réfléchit à tourner un film où personne ne fume. L'Intransigeant s'insurge le 9 juin : "Il y a des gens qui ne doutent de rien."; ce qui donne une idée de l'incongruité que pouvait être une attitude anti-tabac à l'époque.
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