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Un Feydeau
Ce film témoigne d'un intérêt de la part de Robert Saidreau pour la pièce d'origine.
Il joue en effet le rôle de Fontanet dans l'adaptation précédente par
Henri Pouctal sortie le 20 mars 1914.
On nous rappelle le 22 septembre 1923 que Georges Feydeau avait déjà écrit pour le cinéma. Pour cette adaptation, le découpage devait lui être soumis. Son décès en 1921 condamnera cette initiative, mais pas le projet qui, semble-t-il, devait s'appeler "Une bonne fortune", un titre bien vite oublié pour profiter de celui de la populaire œuvre originale dont voici l'histoire adaptée ici :
Armand de Bois-d'Enghien veut épouser la fille de la baronne Duverger mais doit pour ça se débarasser de son fil à la patte : sa maîtresse l'artiste de music-hall Lucette Gautier. Celle-ci débarque à la noce et le scandale éclate.
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Publicité pour la ressortie en mai 1919 du film de 1914
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Un rôle pour Maurice Chevalier
Comoedia du 20 octobre 1923 nous apprend qu'Armand Bernard intercale entre
À la Gare et
Un fil à la Patte, un tournage pour Théo Bergerat: Mimi Pison.
Suite
au succès des performances scéniques de l'acteur, les auteurs Georges
de La Fouchardière et Félix Celval ont également écrit un deuxième
sketch comique pour Planchet, "La vraie garçonne". Il est censé le
présenter dans le mois.
Un fil à la Patte est donc le troisième et dernier film que
Robert Saidreau et Armand Bernard vont tourner pour les Productions
Diamant, la compagnie de Henri Diamant-Berger, et comme pour les deux
précédents, on y retrouve tous les acteurs sous contrat de la firme : Marcel Vallée, Louis Pré-Fils, Charles Martinelli et bien sûr Armand Bernard. Mais en 1923, la grande vedette des Films Diamant, qui a déjà tourné et sorti des comédies pour la firme rien que cette année là, c'est un jeune chanteur qui fait le succès des opérettes parisiennes : Maurice Chevalier. Et assez logiquement, une interview de Maurice
Chevalier dans Ciné pour tous le 4 mai 1923 nous révèle que c'est lui
qui était à l'époque pressenti pour être la vedette du film !
Sans doute que son agenda de l'époque n'a pas permis un sixième film, et la nouvelle vedette des Films Diamant, dans un genre très différent, a donc avantageusement remplacé le jeune premier en la personne d'Armand Bernard.
Saidreau n'a également pas oublié un de ces camarades, l'acteur Germain, la vedette qui jouait Bouzin dans la précédente adaptation, ainsi que "dans toutes les œuvres de Feydeau" aux Nouveautés comme nous l'apprend l'Intransigeant du 2 février 1924, et qu'il engage pour apparaître également dans cette version. Dans Le Petit Marseillais du 12 février, Germain estime
être à l'époque devenu presque aphone, ce qui n'est pas un problème pour l'art muet rappelle Saidreau, qui semble faire ici une bonne action auprès d'un collègue en difficulté.
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Article du 15 avril 1924 dans Ciné Miroir
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Marcelle Yrven est ici une "débutante" de 46 ans. Yanne Exiane tourne ici pour la première fois avec Saidreau, mais le retrouvera dans Jack. Suzy Renard, de la Comédie Française, semble signer là son dernier rôle à l'écran malgré son jeune âge. Comoedia complète la distribution le 20 janvier 1924 : Suzy Pierson, Andrée Warneck et Gaby Brun.
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Suzy Renard
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Le tournage
C'est L'intransigeant qui nous apprend le 27 octobre que Saidreau "commence un fil à la patte aux studios des réservoirs", puis le 3 novembre "commence au Film d'Art à Neuilly, Un fil à la patte". S'agit-il d'une erreur ou d'un transfert du tournage de Saint-Maurice à Neuilly ? En tout cas, les intérieurs sont annoncés comme terminés le 2 février par "Bonsoir", et on annonce du même coup attendre les beaux jours pour tourner les extérieurs à Paris, ce qui explique peut-être en partie la sortie tardive.
Comoedia annonce le montage terminé dès le 20 janvier 1924 (sans doute s'agit-il des intérieurs uniquement) et précise que l'opérateur est Alfred Guichard.
Sortie et critique
On ne présente le film à la presse que le mardi 31 mars 1925 à l'Artistic Cinéma.
Bien que moindre par rapport au film précédent, le délai entre la fin du tournage et la sortie de cette production est anormalement élevé. Mais contrairement au film À la gare, l'attente ici n'est pas vaine : le film sort au prestigieux Gaumont Palace le 24 avril 1925. Les critiques pointent d'ailleurs ce délai
le 18 mai 1925 "ce film ancien déjà n'est pas le meilleur
de Saidreau. Ce n'est pas tout à fait sa faute si cela nous semble
bien gris". Il faut croire qu'à une époque où les techniques de narration cinématographiques évoluent rapidement, un film réalisé il y a près d'un an et demi accuse son âge.
Parmi les films de la semaine dans Cinémagazine du
24 avril 1925, "l'habitué du vendredi" nous parle du film sous un jour
flatteur, bien qu'il nomme le réalisateur "Pierre" Saidreau. "On s'amusera
aux avatars des héros de l'histoire et aux mésaventures de l'infortuné
Bouzin. Nous passons des coulisses d'un music-hall aux coins de Paris où
l'on s'amuse et nous apprécions une interprétation homogène composée de
Germain, Marcel Yrven, Suzy Renard et Armand Bernard."
Globalement, les critiques sont bonnes : Le Matin retient "un rythme bien soutenu qui révèle la maîtrise technique de Robert Saidreau." Le Journal résume : "L'ensemble ne saurait déplaire et la technique reste irréprochable."
Un fait mérite d'être noté cependant : je n'ai trouvé aucun photo du film dans aucune publication, que ce soit pendant le tournage ou à la sortie. À une époque où les magazines et journaux illustrés dédiés exclusivement au cinéma sont nombreux, il s'agit là d'une pièce supplémentaire du puzzle des raisons pour lesquelles l'ami Saidreau reste, jusqu'à aujourd'hui, un illustre inconnu.
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