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Un film mort-né bien documenté
Sur
ce film tourné mais jamais sorti, je vous conseille de lire mon article détaillé à propos de sa vedette principale. L'histoire du tournage m'a paru assez rocambolesque pour
mériter d'être racontée en détail !
Pour résumer, une jeune aventurière française mariée à un Lord anglais pour sa fortune, a payé 70.000 francs en décembre 1923 à son imprésario M. Dante pour que Robert Saidreau tourne un scénario original avec elle en vedette et le sorte avant le 30 novembre 1924. Là où plusieurs films du réalisateur peinent à trouver place dans les journaux de l'époque, ce tournage là est abondamment documenté, ce qui est particulièrement ironique car le film n'est jamais sorti. Deux problèmes de taille semblent s'être posés : les distributeurs Les Films Legrand ont refusé de l'exploiter car ils ont découvert que l'actrice était nulle, et que le scénario de Saidreau n'avait rien d'original puisqu'il s'agissait d'une nouvelle version de son précédent film Méfiez-vous de votre bonne.
On s'étonne de la naïveté de Saidreau qui a pensé duper ses financeurs d'une façon aussi grossière. Peut-être que les sorties repoussées de ses deux films tournés précédemment s'expliquent par cette expérience malheureuse. On voit difficilement comment la réputation du réalisateur puisse en sortir intact car, consciemment ou sous l'influence de l'impresario, ses actions s'apparentent dangereusement à une escroquerie. En tout cas, malgré l'incarcération de la vedette principale pour d'autres raisons, celle-ci attaque M. Dante en justice pour récupérer son argent augmenté de 5.000 francs de dommages et intérêts et, du fond de sa cellule, gagne son procès, comme en atteste Comoedia le 23 novembre 1928 pour la première instance, en 1932 pour l'appel. On apprend à cette occasion que M. Dante justifie le fait que le film ne soit pas sorti par le décès de Saidreau et la faillite de la société de distribution entre temps. Un argument difficilement soutenable à une époque où les films muets ont presque intégralement disparu.
Le tournage et les titres
Le tournage est donc annoncé le 8 avril 1924 dans Bonsoir sous le titre L'étrange aventure. De fait, d'après Cinéa, le tournage est déjà commencé le 15 avril alors que L'Intransigeant l'annonce comme imminent le 19 avril, puis annonces les intérieurs terminés le 26 avril.
Plus tard, en évoquant le procès, dès 1928 et encore le 25 mai 1931, le film est mentionné comme étant La double méprise, ce titre n'étant jamais mentionné dans la presse avant 1928.
Une cassure
La présence dévorante et inévitable de la vedette Edmée Dormeuil dans cette Étrange aventure ferait presque oublier que ce film, dans la continuité de la filmographie de Saidreau, réunit quelques acteurs de renom. Mais il représente également une rupture, peut-être à cause du relatif scandale qu'il a dû être et de l'effet produit sur ses collaborateurs.
Pierre Etcheparre ne tournera plus jamais avec Robert Saidreau. Après son intense collaboration avec le metteur en scène, l'acteur ne retrouvera l'art muet qu'une fois avec Donatien dans Le château de la mort lente où il retrouve Lucienne Legrand, compagne du réalisateur. Ensuite, il disparaîtra de l'écran jusqu'à ce que celui-ci apprenne à parler, après quoi, il accumulera en France et aux États-Unis des rôles secondaires jusqu'à sa mort.
Notons que l'actrice Suzy Pierson, que Saidreau retrouve ici après le tournage d'Un fil à la Patte, avait déjà tourné à peine deux ans auparavant un film, bel et bien exploité, avec le même titre, réalisé par Joe Hamman.
La carrière cinématographique de l'acteur André Brunot, qui joue ici l'apache, semble également avoir maqué un coup d'arrêt après cette production, et il ne retrouvera le 7e art que 10 ans plus tard !
Celle de Jean Magnard, dans le rôle d'André, se terminera là, et pour cause : il décède dans l'année. Andrée Warnecke, qui avait fait ses débuts dans Un fil à la Patte, ne reviendra pas non plus devant la caméra malgré ses multiples talents de violoniste, danseuse et chanteuse. Yvonne Favet et Solange Marchal signent également leur dernier film. Seule Georgette Lhéry, qui avait commencé sa carière cinématographique avec Pierre Colombier dans Soirée de réveillon avec Suzanne Bianchetti, semble encore tourner quelques films.
Pour finir, bien que la présence de la mascotte de Saidreau soit bel et bien attestée lors de ce tournage dans les scènes de bal musette où il lui apprends à danser, la fameuse Mirabel, rencontrée sur le plateau de La paix chez soi, je n'ai plus trouvé de preuve de sa présence sur les films suivants.
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Georgette Lhéry |
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