Cet article, co-rédigé avec François Justamand, est une reproduction mise à jour de celui précédemment publié sur La gazette du doublage et désormais indisponible sur ce site.
André Norevo
André Norévo |
De son vrai nom, André Henri Véron, le comédien, directeur artistique et gérant de société de doublage, André Norévo est né le 17 février 1910 à Sóc Trăng en Indochine.
Étudiant en droit, il compose et rêve de faire entendre ses compositions à Ted Lewis un chanteur et musicien américain célèbre. Afin de le rencontrer, il se fait engager comme téléphoniste sur le paquebot "Paris" pour New York et réussit à vendre des chansons. À son retour, il est choisi pour être le narrateur dans la version française de La symphonie de la forêt vierge d'August Brückner en 1931 chez Apollon Film. Il suivra alors André Rigaud, l'adaptateur du texte, dans bien des projets au cours des années 30, où il prête sa voix à plusieurs vedettes américaines de l'époque dont Lew Ayres dans Cabaret du soir (1932), Clyde Beatty dans La Grande cage (1933), Errol Flynn dans Capitaine Blood (1935), Frank Lawton dans Le Rayon invisible (1936), George Brent dans La Bataille de l'or (1938), Robert Montgomery, et aux vedettes allemandes également comme Gustav Froelich, souvent pour Rythmographie, société cofondée avec Richard Heinz et André Rigaud, qui enregistrait aux studios Éclair d'Épinay avec une bande rythmo telle qu'on la connaît encore aujourd'hui. Il écrit aussi parfois lui-même les adaptations : on retrouve son nom en 1935 pour le texte de deux documentaires : un sur la ville de Florence de Ubaldo Magnaghi et Gianni Francolini, et Malheur aux vaincus, sorti la même année.
Il gère ensuite une autre société de doublage avec Richard Heinz (Richard Heinz et André Norévo SARL) et dirige notamment la synchro du film Le Roi du bluff (1936), Le drame du terminus (1936), Le secret de Stamboul (1937), Un drame à Hollywood (1937), et Gunga Din (1939).
Touche-à-tout, il compose également, en compagnie de Georges Van Parys, la musique du court métrage de 1936 Un quart d'heure dans une vieille ville, une promenade à Laon.
On le voit aussi apparaître à l'écran dans Le cas du Docteur Brenner (d'après L'Intransigeant du 3 août 1932) et dans le court métrage de 1937 Cent Contre Un où il partage l'écran avec Ruffy, Jean Guilton, Georges Hubert et Annette Doria.
André Norévo au travail en 1941 |
Pendant la guerre, il se charge des versions françaises de films allemands à tel point que la presse le surnomme le "Marcel Carné du doublage". Parmi ses travaux, on compte le film Bel Ami, So Gefällst du mir (La perle du Brésilien), Im Schatten des Berges (Les risque-tout), Hauptsache glücklich (Le bijou magique, Operette (Opérette), Traummusik (Musique de rêve)… Pendant la guerre, ses chansons sont publiées et on trouve son nom sur les partitions de 1942 : "Sur les ailes du vent" composée avec Alfred Sendrey avec des paroles de Jean Cohen et "Mentira" co-composée en 1931 avec Simone Miquel-Mangeot.
Gaby Wagner
Gaby Wagner au début des années 1930 |
Le 10 mai 1941, il annonce ses fiançailles et le 25 juillet 1941, il épouse la comédienne Gaby Wagner. Celle-ci est née Gaby Wansard le 12 février 1914 (les journaux la rajeunissent à 1918) à Londres (son nom de scène est hérité d'un bref premier mariage). Elle commence comme mannequin : on la retrouve au défilé de Miss Photo en novembre 1937, puis dans une publicité pour une crème anti-âge en avril 1938, et elle entame une carrière cinématographique en France. Son interview par Le petit Parisien du 31 mai 1939 nous apprend qu'elle a été l'élève de Raymond Rouleau, et qu'elle apprend le chant avec Jeanne Henriquez de l'Opéra. Si l'on en croit L’intransigeant du 6 avril 1940, c'est avec Maurice Cammage dans Vacances payées qu'elle débute à l'écran. Viennent ensuite des silhouettes dans Le quai des brumes, Raspoutine ou Tragédie impériale, et un vrai rôle dans Ma tante dictateur qui la fait finalement remarquer. Elle fait alors l’objet d’articles typiques pour les starlettes qui nous apprennent qu’elle a les cheveux châtains, les yeux noisette, mesure 1m64 pour 59 kg, qu’on la surnomme « Rossignol », qu’elle ne sait marcher qu’avec des talons plats et qu’elle adore ses chiens de chasse. Elle apprend la danse et le chant et enregistre même un disque.
Mariage de Gaby Wagner et André Norévo |
C’est avec son rôle dans Monsieur Hector en 1940, aux côtés de Fernandel, que la presse commence à s’intéresser sérieusement à son cas : elle fait la couverture de Pour Vous, et on lui consacre un grand article dans Ciné-Miroir avec des photos en compagnie de la vedette et de Georges Grey. Il faut croire que Fernandel apprécie sa compagnie puisqu’elle décroche le rôle de l’infirmière sexy dans L’acrobate qui sort le 27 juin 1941. C’est le mois suivant qu’elle épouse André à la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris. Le mariage fait l’objet d’un article dans Ciné-Revue qui nous apprend que les jeunes mariés multiplient les projets et de ce fait, se priveront de voyage de noces. Gaby prévoit de tourner Mam’zelle Bonaparte de Maurice Tourneur (elle n’apparaît finalement pas au générique) et À vos ordres Madame avec Jean Tissier.
Gaby Wagner dans "Vedettes" du 10 octobre 1942 |
Après ce dernier film, elle tourne un autre petit rôle avec Charles Trenet dans Adieu Léonard et un court métrage en 1943 sur les modes de locomotion, Au temps des fiacres de Jean Legrand où elle joue avec Marcel Carpentier, le couple français moyen voyageur. Elle se frotte à de plus gros rôles dans le doublage : elle prête sa voix à la vedette Maria Holst, notamment, dans Wiener Blut (Sang Viennois).
Entre temps, Gaby se produit sur scène : d'abord au cabaret "L'aiglon" en novembre 1940, puis en mars 1941, elle est à l'affiche de "Bravo Paris", avec Gaby Basset, José Noguéro et Robert Buguet. En janvier 1942, elle annonce qu'elle va commencer les répétitions d'une nouvelle opérette qui sera créée en mars : "Le pensionnat des alouettes", de Louis Sauvat et... André Norévo, sur une musique de Jacques Météhen et avec Charpini en vedette.
Une première fille naît en novembre 1943.
Gaby Wagner et sa fille |
À la libération, André Norévo garde son activité de doubleur de films mais
de nouveau pour des productions américaines et notamment la RKO qui
distribue le précieux catalogue de Walt Disney. Il dirige les doublages de
films tels que Le magicien d'Oz (1939), Pinocchio (1940), Dumbo
l'éléphant volant, Pavillon noir (1945), Soupçons
(1945)... Lors de l'enregistrement du doublage de Ma femme est une sorcière
(1942), il confie le rôle du personnage principal interprété par Veronica Lake
à son épouse Gaby Wagner. Celle-ci obtient également de petits rôles dans
d’autres doublages dirigés par son mari : on la trouve notamment au
générique de Bambi dans le rôle de Féline.
La cinématographie française du 15 février 1947 nous informe qu'André Norévo s'occupe du doublage des films français en castillan pour le marché Argentin. Le premier film concerné sera Le voile bleu de Jean Stelli.
De fait, dès 1946, le couple Norévo quitte la France pour l'Argentine avec leur fille de 3 ans où une nouvelle fille naîtra bientôt en 1949. Il y tourne ensuite des films puis se lance dans une nouvelle aventure : la télévision. En effet, la première chaîne se crée en 1951 en Argentine et, désormais blonde platine, la belle Gaby devient l’image de l’élégance à la française comme mannequin dans "Modas en TV", avec Bibi Etcheto et d’autres émissions. L'Intransigeant signale sa présence en février 1951 au festival de Cannes. Malheureusement, elle meurt prématurément des suites d'un AVC le 22 septembre 1954 à Buenos Aires, à l’âge de 40 ans. L’article qui annonce son décès, comme naguère les articles français, insiste particulièrement sur son extrême gentillesse.
Gaby Wagner, désormais blonde en 1953 à la télévision en Argentine |
André Norévo réalise l’émission musicale « París, siempre París» en 1956, sponsorisée par Thomson & Williams, avec Maurice Jouvet et Tatave Moulin et reprend ses activités de comédien de 1955 à 1960 dans des films comme El Crack, El dinero de Dios, Un centavo de mujer, Socios para la aventura, Sección desaparecidos, El tango en París, Enigma de mujer, El hombre que debía una muerte, En varne viva, Pájaros de cristal et El Juramento de Lagardere, Todo el año es Navidad (1960).
Quelques années après le décès de sa première femme, André Norévo se remarie et il revient à Paris dans les années 60 où il retrouve le petit monde du doublage. Il signe notamment l'adaptation française et la direction artistique des Maîtresses du Docteur Jekyll (1964), Tourments (1965), Le Masque de Fu-Manchu (1965).
André Norévo décède le 25 août 1966 à Paris.
(Remerciements aux site Les gens du cinéma, aux Archives françaises du film du CNC, à Rémi Carémel (Dans l'ombre des studios) et à Karina A. Fuster, petite fille d'André Norévo et Gaby Wagner)
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